Le leadership chez les vétérinaires est d’actualité. Identifié par nos confrères comme le sixième enjeu du plan de développement de la profession en Angleterre (Rapport Vet Futures UK 2015), il vient d’être clairement positionné comme le premier thème du plan d’action au niveau européen (VetFutures Europe juin 2017). Avec une différence cependant. Car là où les Anglais pensent leadership pour représenter collectivement la profession, pour qu’elle parle d’une même voix (vis-à-vis du grand public, des propriétaires d’animaux de compagnie, des éleveurs), les Européens ajoutent une dimension plus large, plus opérationnelle au niveau des cliniques vétérinaires. Ils souhaitent que le développement du leadership et des compétences managériales s’intègre dans les formations initiales et le cursus scolaire. Ne préjugeons pas des résultats du formidable travail encours sur ce sujet en France, mais il serait surprenant (et ce serait fort dommage !) que cette ambition ne soit pas partagée dans l’hexagone.

 

Pourquoi faut-il un leader ?

Leadership ? Un mot qui reste bien souvent une énigme, intraduisible en français, et défini bien difficilement par le Larousse tant il fait référence à de multiples facettes de personnalité et de comportements. Il se traduit par une autorité plus ou moins naturelle, une capacité à susciter l’adhésion de son entourage, un mélange de charisme et de visionnaire. En tout cas il s’agit d’une étiquette qui effraie régulièrement, et par expérience dans le monde vétérinaire qui provoque en général un refus. « Non, non tu me vois comme ayant du leadership, mais sincèrement je ne suis pas un leader ! ». Un rejet qui témoigne à la fois de l’espoir d’une stricte équivalence entre les associés, d’une peur de leur faire de l’ombre, d’une crainte aussi de prendre des responsabilités illégitimes et probablement due à l’incompréhension et du manque de formation autour de cette valeur.  Alors que le leadership est pourtant si essentiel à la vie et au développement d’une équipe, d’une entreprise ! D’où en effet l’enjeu fort et justifié d’identifier, de former et de faire émerger des leaders dans le monde vétérinaire. En sport collectif, pas de grande équipe, capable de réaliser des exploits sans un grand capitaine, respecté par tous et capable de prendre la parole dans le vestiaire ou de motiver sur le terrain ! Les meutes animales identifient leur chef naturel non pas sur des critères de force mais le plus souvent sur l’expérience et la sagesse. Les oies et les canards sauvages volent naturellement derrière le leader. Le leadership est donc nécessaire dans toute collectivité, gage d’organisation et de pérennité. Pas d’équipe professionnelle avec des collaborateurs heureux et motivés, sans un leader.

L’équipe repose sur 4 piliers fondamentaux : la diversité (car l’équipe est une somme d’individualités toutes différentes, avec dans l’exemple des sports collectifs des compétences et des moyens physiques différents en fonction de la place dans l’équipe), la finalité (tous les équipiers partagent le même objectif), l’unicité (malgré leurs différences, les équipiers parlent tous d’une même voix -ce qui est bien souvent compliqué – ) et enfin la présence d’un leader. Donc très difficile de développer son entreprise vétérinaire, l’esprit d’équipe, la motivation des collaborateurs sans la présence d’un leader, sans l’acceptation de ce rôle indispensable par l’un des dirigeants. L’enjeu identifié dans VetFutures est donc bien celui de l’avenir de la profession à tous les niveaux.

 

Qui est le leader de l’équipe ?

Etre leader ne se décrète pas. Il ne suffit pas de se vouloir leader pour l’être, car en fait ce sont les autres qui vous voient ou pas en leader, qui vous font leader. Les bases du leadership peuvent être naturelles, innées. Il est probablement plus facile d’être reconnu comme leader en étant grand, avec une voix posée et forte, et avec une certaine éloquence, une posture physique reconnaissable. Atouts intéressants certes mais ni nécessaires ni suffisants. Car le leadership se travaille, s’acquiert. Les comportements qui conduiront une personne à être vue comme un leader sont générés à la fois par ses croyances profondes, ses valeurs, mais aussi son expérience et son propre développement personnel. Ainsi, comme tous les talents, le leadership peut s’appuyer sur un don naturel mais il ne pourra s’exprimer que si on le souhaite et que si on le travaille. Il n’est donc pas fonction de l’âge. Certains jeunes sont de vrais leaders, même s’il apparait que l’expérience et le parcours personnel sont des éléments facilitateurs, comme dans le règne animal ! A chacun donc la liberté de se sentir leader, de vouloir l’être, d’améliorer son leadership. Mais la véritable légitimité viendra toujours du regard des collaborateurs. Le leader n’existe que s’il a des suiveurs, des « followers » comme diraient les réseaux sociaux !

 

Quels rôles pour le leader ?

Le leader est avant tout un visionnaire, celui qui sera capable de lever la tête du guidon, de prendre du recul, d’intégrer les évolutions de l’environnement, et de réfléchir aux solutions en tenant compte de la réalité, sans minimiser les difficultés. Il croit donc dans le futur, porte un regard optimiste sur les événements, confiant dans les hommes qui l’entourent, tout en étant exigeant avec eux comme avec lui-même. Il n’est pas celui qui fixe seul le cap. C’est du ressort collectivement de la communauté d‘associés. Mais le leader sera celui capable d’apporter l’ensemble des éléments pour qu’elle puisse décider.

Le leader est aussi celui qui donne du sens, si essentiel de nos jours et qui motive. Il n’est donc surtout pas, celui qui décide, seul dans son coin, mais au contraire celui qui va prendre soin de partager, d’écouter, de changer son cadre de référence, de comprendre ses collaborateurs, de les aider à se développer. Il va ainsi non pas convaincre les autres de le suivre, mais les faire adhérer, leur permettre d’agir et de faire en leur inspirant confiance. Pas de leader durable sans bienveillance. Et dans une structure vétérinaire, cette posture bienveillante du leader est attendue aussi bien au sein de la communauté des associés qu’avec tous les salariés. Car il n’y a pas de lien naturel, automatique entre la hiérarchie et le leadership, entre le rôle de manager et celui de leader. Il existe des leaders reconnus qui n’ont pas de responsabilité de management, et des managers qui ne sont pas leaders (même si alors pour ces derniers c’est souvent plus compliqué !). Le leader, au contraire du manager n’a pas de pouvoir sur les choses et encore moins sur les personnes. Il a la puissance, le rayonnement, le pouvoir de faire ou de faire faire. Et c’est pour cela que son rôle est indispensable dans la mise en œuvre du changement, car il pousse à agir.

Le leader suscite l’admiration comme un résultat et pas comme un but pour lui. Il participe ainsi à la fierté des collaborateurs de travailler dans cette entreprise. Passionné par son métier, il se doit d’être le garant de l’éthique et des valeurs de l’entreprise, s’appliquant le principe d’exemplarité aussi bien en interne qu’à l’extérieur, vers les clients ou les institutions. Non pas pour se mettre personnellement en avant, pour nourrir son propre ego, mais pour le bien de la communauté. Car le leader est dans le don ; il apporte sans calculer ce qu’il aura en retour. Il suffit de se remémorer la fabuleuse scène finale du départ de Mr Keating dans « Le Cercle des Poètes Disparus » pour comprendre l’influence positive et désintéressée du leader dans le développement des personnes.

 

Alors oui ! Développons les leaders vétérinaires ! Vu la taille des entreprises vétérinaires aujourd’hui, les attentes des jeunes salariés toujours en quête de sens, les aspirations des ASV à un véritable management de proximité, c’est devenu une véritable nécessité. Cela commence surement dès les écoles vétérinaires. Mais aussi durant toute sa vie (car il n’y a pas d’âge pour assumer une fonction de leader) avec une formation continue de qualité sur ce sujet. Nous avons besoin de leaders qui ouvrent la voie, qui font la trace, des penseurs stratégiques et responsables, des porteurs de vision empathiques pour le bien de tous au sein des entreprises vétérinaires (salariés, associés, clients), des laboratoires pharmaceutiques. Et aussi sur le plan collectif, dans toutes les organisations vétérinaires chargées de véhiculer une image positive et engagée de la profession !