L’apprentissage permet de passer de l’incompétence à la compétence. Il est le fondement indispensable à tout processus d’amélioration continue de l’entreprise, au développement des compétences des individus dans les équipes. Posé en ces termes cela parait simple. Alors comment expliquer que, pour certains, cela puisse prendre plus de temps qu’à d’autres ? Pourquoi certains types de personnalités se contentent de rester dans leur zone de confort, alors que d’autres sont fascinés par la découverte de nouveaux territoires pour apprendre en permanence ? L’apprentissage demande de l’envie, de la concentration, de la sueur, de l’énergie et nécessite aussi de savoir surmonter ses peurs, ses frustrations, et de dépasser les expériences ratées.

Un des rôles du manager, de chaque responsable d’équipe ou de chef d’entreprise est de développer ses collaborateurs pour leur permettre d’atteindre l’autonomie, c’est-à-dire la compétence pour les missions qui leur sont confiées. Cette autonomie est indispensable pour ressentir le sentiment personnel d’appartenance à l’équipe. Mais au-delà, démontrer sa capacité à remplir des missions au sein de l’équipe ou à assumer des responsabilités permet d’être reconnu, d’avoir une véritable existence au sein de l’équipe. C’est la fondation indispensable de la confiance en soi de chaque collaborateur.

 

  1. Les bases de la confiance en soi

 

La confiance en soi repose sur l’analyse personnelle, sa propre introspection du différentiel entre « la personne que je pense être » et « celle que je rêve d’être ». Plus l’écart est important, moins fortes sont l’estime de soi et la confiance en soi. Et force est de constater qu’aujourd’hui la confiance en soi semble une denrée de plus en plus rare pour les jeunes générations dans tous les secteurs, y compris dans les cliniques vétérinaires. Elle est pourtant essentielle à la prise de décision, à l’autonomie et donc à l’épanouissement au travail. L’abime entre mon moi ressenti (« je suis nul », « je ne me sens pas à la hauteur ») et mon moi rêvé (« je dois tout savoir », « je dois être parfait ») prend son origine régulièrement dans une mauvaise auto-évaluation de ces deux composantes. Et malheureusement un salarié possédant une faible estime de lui sera sensible au stress, aux feedbacks qu’il percevra régulièrement et bien souvent à tort, comme très négatifs sur lui-même. Il perdra vite le sens de l’activité qu’on lui a confiée et se retrouvera donc a minima démotivé. D’où l’importance pour le manger d’identifier ces personnes pour améliorer avant tout, leur bien-être, mais aussi leur motivation. Pour diminuer cette distance perçue, la responsabilité du manager bienveillant est de s’occuper des deux composantes.

Travailler sur le moi rêvé, et le niveau d’exigence hyper élevé que ces personnes s’imposent bien souvent toutes seules est complexe. Ce niveau d’exigence vient surtout de l’éducation, de l’influence du monde autour de nous. En général, il s’agit des conséquences d’injonctions anciennes (« sois fort » « sois le meilleur car seuls ceux-là peuvent s’en sortir »), formatant les conduites, créant des croyances limitantes.  La correction passe alors par l’implantation du droit à l’erreur, d’une exigence ramenée à un juste niveau, suffisant et accessible, d’éviter la sur-qualité non demandée et injustifiée. Ce sont des responsabilités de manager, mais dans certains cas, cela peut nécessiter une aide extérieure (coaching).

De l’autre côté de l’équation, il est primordial à la fois de développer les compétences et aussi d’améliorer la prise de conscience de ces nouvelles capacités. Cela passe par l’apprentissage d’une part et la reconnaissance de la qualité du travail fourni d’autre part. L’enjeu pour le manager est de ne pas rester focalisé uniquement sur le chemin qu’il reste à parcourir pour le salarié, sur ce qui est mal fait et sur les compétences restant à acquérir. Mais aussi savoir remercier et récompenser les actions, certes « normales » par rapport au poste occupé, mais réussies. Ce n’est pas parce que les « simples » missions prévues dans la fiche de poste sont correctement réalisées qu’elles ne nécessitent pas une sincère reconnaissance verbale. Cela devient particulièrement important pour les collaborateurs à faible confiance en eux.

 

 

  1. Les 4 étapes de l’apprentissage

 

Cette évolution des compétences est rarement linéaire et peut se découper en 4 étapes classiques, dans l’ordre :

 

  • L’incompétence inconsciente : « Je ne sais pas que je ne sais pas, je suis inconscient de mon incompétence ». L’exemple simple est l’enfant qui s’imagine facilement conduire la voiture de ses parents. Ou le stagiaire vétérinaire qui voit faire pour la première fois une ovariectomie de chatte par un praticien aguerri, cela parait simple. Nous n’avons pas conscience de la difficulté de tel ou tel apprentissage, car nous ne savons pas très bien ce que représente cette nouvelle tâche. Cela peut pousser certains types de personnalités, à se lancer dans une activité, seul, sans formateur, sans avoir pris le temps d’apprendre. Et donc au final, se traduire par un sentiment d’échec, et contribuer ainsi à développer une faible estime de soi. La vigilance et la communication du manager sont essentielles pour sensibiliser le collaborateur à l’encadrement de l’apprentissage et au balisage du parcours vers l’autonomie.
  • L’incompétence consciente : « Je sais que je ne sais pas ». Première leçon d’auto-école et impossible de débrayer / embrayer et d’avancer sans caler. De même, première ovario de chatte avec les instruments en main et les premiers nœuds de suture avec les gants ! La prise de conscience est la première étape indispensable au changement. A cette étape, le nouvel apprentissage parait difficile et lourd. Cela peut même paraitre effrayant, décourageant, certains n’oseront même pas essayer par peur d’échouer. « Je n’y arriverai jamais ! ». Ne pas essayer est la meilleure façon de ne pas réussir et donc d’entretenir une faible confiance en soi. Un abandon rapide après une première tentative sans résultat pénalise la confiance en soi. Le manager se doit d’encourager, de soutenir son collaborateur pour transformer les essais en réussite. Personne n’a réussi à marcher du premier coup, tout le monde est tombé, mais tout le monde a persévéré pour finir par devenir bipède.
  • La compétence consciente : « Je sais que je sais ». Permis de conduire en poche, je fais mes premiers trajets en autonomie. Mais je me dois de faire attention à ce que je fais (débrayer, changer de vitesse, embrayer) pour parvenir à conduire sans faute. Idem quand je suis concentré sur mon opération, stressé de ne pas assez serrer les nœuds permettant l’hémostase. L’apprentissage nous conduit à être régulièrement entre ce stade et le précédent. Plus je fais, meilleur est le résultat, même s’il m’arrive encore de faire des erreurs. Et plus je persévère, plus c’est facile, plus je sais faire. Et plus ma confiance en moi progresse. C’est aussi pourquoi le droit à l’erreur est un cadre indispensable pour développer l’autonomie.
  • La compétence inconsciente. « Je ne sais plus que je sais ». Avec 50 000 kms au compteur, plus besoin de réfléchir, conduire est devenu machinal. Dorénavant je ne suis même plus conscient de ce que je suis obligé de faire. 20 ans de pratique vétérinaire, des centaines d’opérations derrière moi, et la capacité de discuter voire de plaisanter en même temps que j’assure une opération parfaite, sans réfléchir aux différents temps opératoires qui s’enchainent !! Cet état est bien entendu gratifiant, symbole d’un nouveau savoir parfaitement intégré, mais il présente deux dangers.
    • Le premier, pour l’apprenant. C’est de perdre totalement conscience d’avoir appris, d’avoir progressé, ce qui peut conduire à une absence d’impact positif sur la confiance en soi. Se souvenir que j’ai progressé, que j’ai acquis un nouveau savoir ou intégré une nouvelle compétence est essentiel. L’effacement rapide de cette prise de conscience empêche de gonfler durablement la confiance en soi. Au manager de savoir le rappeler pour arroser régulièrement la confiance en eux de ses collaborateurs.
    • Le second pour le tuteur. Etre dans la difficulté de transmettre ses connaissances, car elles sont devenues tellement intégrées, mécaniques, faites sans réfléchir qu’il est difficile d’expliquer à autrui comment faire. Régulièrement, pour des vétérinaires expérimentés, montrer et expliquer pour transmettre efficacement des actes simples ou des raisonnements diagnostiques n’est pas si simple. Avec donc un impact parfois limité sur la construction de l’estime de soi de l’apprenant, à qui il manquera certaines clés ou pratiques pour avancer dans l’apprentissage. Au manager de travailler sa communication et son empathie pour assurer une transmission efficace.

 

L’apprentissage réussi, l’amélioration des connaissances est un chemin efficace pour le développement de la confiance en soi. Pourquoi celle-ci est-elle si importante ? Car d’après le psychologue américain Will SCHULTZ, spécialiste des interactions humaines au sein des organisations, le bon fonctionnement d’une équipe repose sur un bon niveau d’estime de soi de chacun de ses membres. S’il est insuffisant ou dégradé chez un ou plusieurs collaborateurs, il est alors impossible de construire un esprit d’équipe, et d’augmenter à la fois le bien être des collaborateurs et l’efficacité de l’entreprise. Sans la mise en œuvre de mesures correctrices, cela conduit assez régulièrement à des jeux psychologiques entre les collaborateurs et à un sabordage de l’équipe. S’appuyer sur un apprentissage réussi et reconnu pour améliorer la confiance en soi de chacun de ses collaborateurs est ainsi un enjeu majeur pour l’entreprise. Particulièrement de nos jours où celle-ci semble bien faible dans la tête des jeunes générations, des jeunes salariés des entreprises vétérinaires ! Un défi de plus à relever pour le manager vétérinaire !